A quel âge avez-vous découvert l'architecture ?
Mon père était maçon, et bien sûr, on est
toujours influencé par son père. A fréquenter ses chantiers, l’architecture a
toujours était présente. Mais je suis devenu architecte par erreur : j’étais
persuadé que c’était un métier de plein air !
Est-ce que vous aimiez dessiner quand vous étiez enfant ?
Pendant mon enfance, en Camargue, je
passais des journées entières seul dans l'eau. Le matin de 9h à 12h, je pêchais
à la canne les sars dans le canal devant la maison. L’après-midi je pêchais de
14h à 19h, à la main les crabes et les soles à la fouine, dans l’étang derrière
la maison.
Je parlais aux crabes, j'étais le chef des
crabes. On est vaniteux quand on a dix ans !
Je dessinais
probablement des crabes le soir, mais je ne m’en souviens pas…
Quand avez-vous commencé à travailler ?
Dès que j’ai
pu. J’ai ouvert mon agence à Bandol en 1980.
Aimez-vous votre travail ? Est-il difficile ?
Architecte, c’est construire et écrire. Mon
travail fait appel à la sensibilité, à la beauté et à l’effort du travail. Défendre
le récit, l’onirisme et les valeurs concrètes du labeur produisent les
sentiments nécessaires pour exister.
En ce sens, c’est un métier facile, et je
le fais avec passion !
Pourquoi avez-vous peur de vous tromper ? Est-ce que vous
hésitez parfois à réaliser un projet ?
Chaque ouvrage interroge l’architecte, qui
doit établir la plus juste réponse.
Chaque ouvrage se
nourrit du contexte. Chaque projet
développe des réponses variables selon les différents contextes et
circonstances. Chacun d’eux représente une aventure particulière, l’exploration
de nouveaux questionnements, un challenge sans cesse réactivé.
Où trouvez-vous l'inspiration pour vos projets ?
En analysant le programme et le contexte.
En essayant d’isoler les difficultés à venir. J’essaie
tout simplement de ne pas réduire la richesse présente naturellement sur les
lieux.
Comment faites-vous quand vous n’avez pas d’inspiration ?
J’écoute le site et le programme pour
pouvoir le faire parler et ainsi reconstruire un récit.
Comment avez-vous construit le MUCEM ?
Pour le MUCEM, le
récit se portait sur l’horizon métaphysique de la méditerranée.
Puis construire :
faire que le récit passe à l’acte.
Avec la peau et les
os, sa maigreur structurelle, son absence de reflet et de brillance renvoient à
la métaphore de l’espace méditerranéen pour qui voudra l’imaginer.
Comment avez-vous imaginé les passerelles du MUCEM ?
Le fort St.
Jean était un site militaire ; c’était la prison où les jacobins, soldats de la
république ont été emprisonnés et brûlés vifs. C’est un lieu inaccessible aux
marseillais. La mer regarde le site avec inquiétude, bleu profond, le paysage
est sur la perspective historique. Deux mille ans d’histoire accumulent les
complexités et introduisent un horizon métaphysique. Avec Roland Carta nous
avons travaillé dans l’inquiétude. L’inquiétude de se tromper, celle de mal
faire avec une question sans réponse. Qu’est-ce qu’être juste ? Que doit dire
l’architecture confrontée à la pression de la mémoire ? Finalement, j’ai souhaité éviter
rivaliser avec le fort St. Jean. La covisibilité architecturale avec le fort
pouvait être un problème. Le contexte existe et appelle le respect. Le MUCEM
est tout en fragilité quand le fort est en massivité. J’ai donc imaginé une
très fine passerelle qui les relie l’un à l’autre.
Comment avez-vous réussi à faire rentrer la mer près du
MUCEM ?
Le MUCEM est
réalisé en béton précontraint fibré ultra performant. Les planchers, les
structures verticales et les enveloppes brise-soleil situées à l’ouest, au sud
et en toiture, sont donc réalisés dans un matériau exceptionnellement résistant
à l’agression physique du site, aux embruns de la mer et au mistral. C’est donc
l’usage le plus minimum, de matière, d’énergie grise et le bilan carbone le
plus optimisé, qui ont permis cette proximité avec la mer.
Est-ce que c'était difficile de construire le MUCEM ?
Sur la
durée, il faut tenir… 10 ans pour construire le MUCEM !
Voyagez-vous beaucoup pour votre travail ? Est-ce que
vous travaillez le week-end ?
Beaucoup trop ! Mais j’essaie de
réserver mes week-ends…
Pensez-vous partir à la retraite ?
Il paraît que les architectes ne prennent
jamais leur retraite… !
Sur quel projet travaillez-vous en ce moment ?
Un FRAC de Basse-Normandie à Caen, un
conservatoire de Sète, une Salle de Musique Actuelle (SMAC) à Aix-en-Provence,
la Maison du Peuple à Clichy-la-Garenne, la manufacture de la mode « Chanel » à
la porte d’Aubervilliers à Paris, la gare de Nantes, un complexe sportif à
Rueil-Malmaison, des collèges à Vitry-sur-Seine et Mantes la Jolie, des
logements à Marseille, Tours et Caen, un siège social à Reims,…
Est-ce que vous intervenez dans des écoles d’architecture
?
Oui, ponctuellement. La mémoire des métiers
et des savoirs est l’essentiel à transmettre aux générations futures, et la
transmission est aussi une arme de combat !
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