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mercredi 12 décembre 2018

Rudy RICCIOTTI répond à nos questions

Un grand merci au créateur du MUCEM pour ses réponses et ses cadeaux pour l'ULIS !



A quel âge avez-vous découvert l'architecture ?
Mon père était maçon, et bien sûr, on est toujours influencé par son père. A fréquenter ses chantiers, l’architecture a toujours était présente. Mais je suis devenu architecte par erreur : j’étais persuadé que c’était un métier de plein air !

Est-ce que vous aimiez dessiner quand vous étiez enfant ?
Pendant mon enfance, en Camargue, je passais des journées entières seul dans l'eau. Le matin de 9h à 12h, je pêchais à la canne les sars dans le canal devant la maison. L’après-midi je pêchais de 14h à 19h, à la main les crabes et les soles à la fouine, dans l’étang derrière la maison.
Je parlais aux crabes, j'étais le chef des crabes. On est vaniteux quand on a dix ans !
Je dessinais probablement des crabes le soir, mais je ne m’en souviens pas…

Quand avez-vous commencé à travailler ?
Dès que j’ai pu. J’ai ouvert mon agence à Bandol en 1980.

Aimez-vous votre travail ? Est-il difficile ?
Architecte, c’est construire et écrire. Mon travail fait appel à la sensibilité, à la beauté et à l’effort du travail. Défendre le récit, l’onirisme et les valeurs concrètes du labeur produisent les sentiments nécessaires pour exister.
En ce sens, c’est un métier facile, et je le fais avec passion !

Pourquoi avez-vous peur de vous tromper ? Est-ce que vous hésitez parfois à réaliser un projet ?
Chaque ouvrage interroge l’architecte, qui doit établir la plus juste réponse.
Chaque ouvrage se nourrit du contexte. Chaque projet développe des réponses variables selon les différents contextes et circonstances. Chacun d’eux représente une aventure particulière, l’exploration de nouveaux questionnements, un challenge sans cesse réactivé.

Où trouvez-vous l'inspiration pour vos projets ?
En analysant le programme et le contexte. En essayant d’isoler les difficultés à venir. J’essaie tout simplement de ne pas réduire la richesse présente naturellement sur les lieux.

Comment faites-vous quand vous n’avez pas d’inspiration ?
J’écoute le site et le programme pour pouvoir le faire parler et ainsi reconstruire un récit.

Comment avez-vous construit le MUCEM ?
Pour le MUCEM, le récit se portait sur l’horizon métaphysique de la méditerranée.
Puis construire : faire que le récit passe à l’acte.
Avec la peau et les os, sa maigreur structurelle, son absence de reflet et de brillance renvoient à la métaphore de l’espace méditerranéen pour qui voudra l’imaginer.

Comment avez-vous imaginé les passerelles du MUCEM ?
Le fort St. Jean était un site militaire ; c’était la prison où les jacobins, soldats de la république ont été emprisonnés et brûlés vifs. C’est un lieu inaccessible aux marseillais. La mer regarde le site avec inquiétude, bleu profond, le paysage est sur la perspective historique. Deux mille ans d’histoire accumulent les complexités et introduisent un horizon métaphysique. Avec Roland Carta nous avons travaillé dans l’inquiétude. L’inquiétude de se tromper, celle de mal faire avec une question sans réponse. Qu’est-ce qu’être juste ? Que doit dire l’architecture confrontée à la pression de la mémoire ? Finalement, j’ai souhaité éviter rivaliser avec le fort St. Jean. La covisibilité architecturale avec le fort pouvait être un problème. Le contexte existe et appelle le respect. Le MUCEM est tout en fragilité quand le fort est en massivité. J’ai donc imaginé une très fine passerelle qui les relie l’un à l’autre.

Comment avez-vous réussi à faire rentrer la mer près du MUCEM ?
Le MUCEM est réalisé en béton précontraint fibré ultra performant. Les planchers, les structures verticales et les enveloppes brise-soleil situées à l’ouest, au sud et en toiture, sont donc réalisés dans un matériau exceptionnellement résistant à l’agression physique du site, aux embruns de la mer et au mistral. C’est donc l’usage le plus minimum, de matière, d’énergie grise et le bilan carbone le plus optimisé, qui ont permis cette proximité avec la mer.

Est-ce que c'était difficile de construire le MUCEM ?
Sur la durée, il faut tenir… 10 ans pour construire le MUCEM !

Voyagez-vous beaucoup pour votre travail ? Est-ce que vous travaillez le week-end ?
Beaucoup trop ! Mais j’essaie de réserver mes week-ends…

Pensez-vous partir à la retraite ?
Il paraît que les architectes ne prennent jamais leur retraite… !

Sur quel projet travaillez-vous en ce moment ?
Un FRAC de Basse-Normandie à Caen, un conservatoire de Sète, une Salle de Musique Actuelle (SMAC) à Aix-en-Provence, la Maison du Peuple à Clichy-la-Garenne, la manufacture de la mode « Chanel » à la porte d’Aubervilliers à Paris, la gare de Nantes, un complexe sportif à Rueil-Malmaison, des collèges à Vitry-sur-Seine et Mantes la Jolie, des logements à Marseille, Tours et Caen, un siège social à Reims,…

Est-ce que vous intervenez dans des écoles d’architecture ?
Oui, ponctuellement. La mémoire des métiers et des savoirs est l’essentiel à transmettre aux générations futures, et la transmission est aussi une arme de combat !

Photo publiée avec l'aimable autorisation de Claire DELFINO

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